Face à Bengrina, Finkielkraut et la « Meute » de Tipaza: le féminisme sans relâche !



 



En tant que femme algérienne, qui plus est francophone, j’ai eu l’immense “privilège” de lire et d’écouter ce qui suit en l’espace d’une seule et maudite semaine:



Je commence par l’histoire qui date du 14 novembre 2019, celle d’une jeune femme est séquestrée, violentée puis violée à tour de rôle par un groupe d’hommes à Tipaza, en Algérie. Les criminels sont interceptés par la gendarmerie puis arrêtés. La jeune femme prise en charge (physiquement, faudra repasser pour l’aspect psychologique), et la justice suit son cours. L’information est rendue publique, et là c’est le déferlement de commentaires ignobles sur les réseaux sociaux: slut-shaming, apologie du viol, sottises, moqueries, la plupart dits sous couvert de leçon de morale et de religion.



Voici ce à quoi nous avons à faire face, même quand nous avons la « chance » de voir les criminels arrêtés, même quand les preuves sont là et qu’on doive nous croire. Au final, rappelle toi, femme, que si tu es violée ou agressée, c’est que tu l’as bien cherché, d’une manière ou d’une autre. A 3h du matin (prétendument) avec ton copain sur la corniche… tu cherches la liberté, l’amour, ou peut-être de l’intimité avec ton bien-aimé et tu repars violée à multiple reprises et violentée par un groupe d’hommes? TU L’AS EVIDEMMENT CHERCHÉ. Ton époux t’as battue ? Mais…que lui as-tu donc fait pour qu’il perde son sang froid?! Quoi que tu fasses (ou pas) ce serait donc de ta faute, ne serait-ce qu’un tout petit peu.



Pourquoi parlons-nous de cela en fait? Le jugement est tombé, il est bien connu d’ailleurs. Tu déshonores la société droite et bien pensante, tu ne peux donc que mériter ce qui t’arrive. Culture du viol, ô culture du viol, de tout temps tu as choisi ton camps et tes coupables.



Je saute sans transition à l’intervention de l’écrivain Alain Finkielkraut, en roue libre le 13 novembre sur LCI face à Caroline de Haas. Un échange sur le viol et l’affaire Polanski. Je cite l' »intellectuel » « VIOLEZ VOS FEMMES, VIOLEZ-LES, MOI JE VIOLE LA MIENNE TOUS LES JOURS. » C’était censé être, selon Nicolas Pujadas, « du second degré ». Il faudrait visiblement accepter du second degré sur le… viol. Un autre intervenant, cette fois-ci sur FranceInter le 12 novembre dit, je cite  » Je suis allé voir le film de Polanski juste pour embêter les féministes ». Renouer avec des artistes violeurs et agresseurs avérés serait non seulement normal, mais ce seraient des sottises de féministes que de ne pas vouloir dissocier l’homme de l’artiste. Woody Allen, Bill Cosby, Betrand Cantat, Saad Lemdjared, Cheb Mami… nous continuons de vivre dans des sociétés qui regardent ailleurs quand on nous violente, viole, séquestre, tue.



Je reviens là à l’Algérie, ou plus précisément à la scène « politique » algérienne, avec l’histoire d’un -pseudo- candidat aux élections-mascarades algériennes  (à 0% de Valeur Ajoutée) au nom de Abdelkader Bengrina, qui prend les femmes comme cheval de bataille de son “programme” (inexistant). Au rendez-vous: florilège de bêtises, de fausses informations et d’inepties, qui malgré le “non-évènement” que représentent ces élections et leur rejet de la part d’une bonne partie de la population, sont diffusées tout azimuts à la TV, à la radio, et sur les réseaux sociaux. La violence politique que cela représente vient s’ajouter à un climat à la base défavorable au respect et à la promotion des droits des femmes, leur émancipation et leurs libertés individuelles. Même si ce piètre personnage est décrié par quasiment tout le monde, ce matraquage médiatique ne sera sûrement pas sans conséquence sur la l’inconscient collectif, précisément sur les groupes les plus enclins à adopter ce types de pensées et de discours.



Étant visiblement bien loties cette année, nous comptons également un autre imposteur parmi ces candidats, Abdelmadjid Tebboune qui surfe sur la vague de l’égalité des sexes. Ce serait notre sauveur, il jure et promet de la consacrer (chose prétendument déjà faite). Plus amusant encore, on devrait le croire! Lui qui n’a JAMAIS montré d’intérêt à cette question de près ou de loin, et lui, homme avéré du système Bouteflikiste que femmes et hommes du Mouvement populaire ont déjà réfuté clairement. On joue avec l’égalité et l’équité en mode khorti (bullshit*) , parce qu’on ne risque rien. Si on peut « duper » quelques femmes par-ci par-là pourquoi pas, car évidemment elles sont « dupables », elles sont femmes voyons.



C’est ainsi qu’en connaissances de tous ces faits, qui sont à ce stade quasiment anecdotiques tant ils sont récurrents et normalisés, il semblerait tout de même qu’on doive, nous femmes, faire preuve de patience, être raisonnables, compréhensives, pas trop agressives au risque d’être… misandres! Nous ne porterions, dés lors, que maladroitement (selon messieurs) « notre cause ». Attention donc! Hausser le ton, perdre son sang froid, dire un jour après un enchaînement de violences en tous genres « men are trash », ressentir ou exprimer un tantinet de « haine » ou de frustration serait «contre-productif pour notre cause ».



Bizarrement, il semblerait que ces bien pensants savent TOUJOURS quoi et comment faire, dommage qu’ils ne puissent pas le faire eux mêmes … ah mais oui c’est « notre cause » pas la leur.  Et puis de toutes manière c’est une histoire de feminazis, on sait toutes et tous que les « vraies femmes », elles, se taisent, ou au moins ne font pas trop de bruit, chut ça chahute et on n’aime pas ça. 



Enfin…J’ai le coeur lourd. Je suis meurtrie par ce qui nous arrive collectivement. Hélas pour moi/nous, nous n’avons pas le droit au répit, c’est du 365j/365. Et bien que mon espoir de voir un meilleur lendemain, surtout pour les femmes et filles de ce pays s’amoindrissent, ma determination à resister et à changer ce que je peux s’accroît, paradoxalement.



Dans une dizaine de jours c’est la journée internationale de lutte contre les violences faites aux femmes, qui marque le début de la campagne internationale menée à ce sujet: MOBILISONS-NOUS. Où que nous soyons, parlons-en, protestons contre toutes les formes de violences mais surtout, contre la culture du viol et de l’impunité sociale. Car oui, tu peux être survivant-e et même obtenir « justice » légalement parlant, mais le poids du jugement de la société est souvent insoutenable.



Face aux violences physiques, sexuelles, verbales, politiques et institutionnelles; face à Bengrina, Finkielkraut et la « Meute » de Tipaza doit se dresser un féminisme organisé, actif, inclusif et …infatigable!



Soumeya



La version originale de cet article a été publié sur mon blog "Kalimateblog" : https://bit.ly/37f0Hxp

Like this story?
Join World Pulse now to read more inspiring stories and connect with women speaking out across the globe!
Leave a supportive comment to encourage this author
Tell your own story
Explore more stories on topics you care about